Aujourd’hui, c’est visite de Medellin avec un free walking tour. Ce sont des tours très recommandés car ce sont des locaux qui font des visites de la ville et à la fin (3-4 heures de visite), chacun laisse un pourboire. On ne connaît pas trop et on va visiter à nouveau le centre ville de Medellin. On se dit qu’on va avoir un autre point de vue.

La visite commence à 10h00, on prend le temps d’un petit déjeuner et on part en métro pour être certain de ne pas être en retard, c’est fortement recommandé car en taxi, avec les bouchons du centre ville, la durée est plus aléatoire.

On arrive en avance de 5 minutes, les guides sont là et on retrouve Natalia, notre guide et il y a aussi des Américains (beaucoup), Néerlandais, Anglais, une Costaricaine… et nous. Le tour est en anglais, ça sera plus facile pour moi de comprendre.

On part vers l’ancienne gare de Medellin (qu’on a déjà vue) mais là Natalia nous arrête sur des marches en forme d’amphithéâtre et elle nous raconte l’histoire de Medellin mais aussi sa vie. C’est une ancienne juriste qui travaillait juste au-dessus de là où l’on vient de s’arrêter (c’est le palais de justice). Elle a changé de métier pour faire quelque chose de moins ennuyeux.

Son point de vue est super intéressant. L’histoire de Medellin commence dans les années 1600 avec les conquistadors espagnols. Ils venaient pour l’or bien sûr mais ils n’en trouvèrent pas ici et continuèrent leur chemin.

Ensuite, il ne se passe pas grand chose jusqu’à la période industrielle qui est intéressante (pour moi) avec la découverte d’une des drogues les plus addictives… le café. Mais aussi le chocolat.

A partir de là, nous sommes dans les années 1850, c’est le développement du train – il faut bien envoyer toutes ces merveilles – et de Medellin qui s’enrichit de ce commerce.

Après cette période de fort développement, dans les années 60 en ensuite, commence cette période que Natalia appelle « la tragédie » avec le développement du narcotrafic et l’apparition de la violence et des groupes armés.

Ce qui a été marquant c’est sa présentation de ce que pense les gens de Pablo Escobar, que Natalia appelle « Voldemort » ou « Bruno » pour ne pas le nommer (les habitants de Medellin en ont marre qu’on ne parle que de lui).

Selon elle, il y a trois groupes :

Ceux qui ont vécu les années 80 et 90, les attentats, la violence, les voitures piégées pour arriver à la ville la plus dangereuse du monde. Pour eux, c’est un criminel, un assassin. Leur philosophie : « Nunca Mas » (plus jamais ça). Et ils veulent oublier. On ne sait pas trop si c’est de la résilience ou de vouloir voir du positif et de ne plus jamais en entendre parler. On n’aborde pas dans manuels d’histoire en Colombie cette période. C’est du passé, n’en parlons plus. Mais il y a au fond d’eux, une colère et un refus de ce trafic et de cette violence. C’est la majorité.

Après il y a les jeunes, nés après la mort d’Escobar. Et comme personne ne leur en parle, ils se font leur propre avis avec … Netflix et ils trouvent ça cool. L’argent, les nanas, les belles voitures, l’hélico… Ça met en colère les anciens (pas si anciens en fait) mais cette version d’un gars cool dans les séries donne une image biaisée de la vérité et de ce qu’il s’est réellement passé. Comme l’expliquait Natalia, quand on voit des morts dans sa rue, qu’on entend les bombes, qu’on a des proches qui meurent à cause d’une balle perdue… c’est difficile de trouver cool Pablo Escobar Gaviria.

Enfin il y a ceux, issus des quartiers défavorisé, qui ont bénéficié des cadeaux des narcos et notamment de maisons offertes. Il y a une certaine forme de reconnaissance même si ces maisons, ils en ont payé le prix fort. Rien n’est gratuit avec les narcos. Ce sont 350 maisons qui ont été construites et offertes. La question de Natalia : est-ce que cette « acte de bonté » compense les atrocités commises, les 10 000 morts qui lui seraient attribués, la douleur de milliers de familles ?

On continue vers la place où se trouve toutes les administrations (déjà vue) et elle nous présente une statue de deux visages de deux politiciens qui ont été tués par les FARC alors ces deux hommes se battaient pour la paix. C’est pourquoi les Colombiens ont voté majoritairement non au référendum sur les accords de paix avec les FARC car « on ne peut pas négocier avec des assassins ».

Il y a 4 acteurs importants (comme nous l’explique Natalia) : le gouvernement et l’armée, les révolutionnaires socialistes (FARC, ELN, M19… et ils sont nombreux), les paramilitaires de droite installés par les familles riches pour se défendre et utilisés par le gouvernement pour les opérations « borderline » qui ne peuvent pas être menées par l’armée officielle et les narcotrafiquants qui viennent corrompre tout ce beau monde pour faciliter leur trafic.

En gros, c’est une situation complexe avec au départ la volonté d’une politique ultra libérale de la part des acteurs qui maitrisaient l’industrie, les richesses du pays et surtout l’état, construisant le pays pour eux sans partage de richesses. Et de l’autre côté, des groupes communistes qui voulaient la répartir et ont cherché à prendre le pouvoir. Et avec le soutien des Américains, ils ont tué Jorge Eliécer Gaitán en 1949, un homme politique issu de la classe moyenne et portant une politique sociale. C’est le point de départ de tous les problèmes du pays selon les différents guides que nous avons eu.

On part sur la place « parque de las luces » (parc des lumières), l’ancienne place du marché (qu’on a aussi déjà visité). Ce qui est intéressant, c’est la volonté actuelle de la Colombie de vouloir combattre la violence par l’éducation. L’ancien maire de Medellin a mis en place un programme pour amener l’éducation dans les 16 comunas (arrondissements), en créant pour chacune une bibliothèque moderne, avec l’accès gratuit aux livres, accès internet gratuit, des espaces de travail et beaucoup de place pour faciliter les échanges et le partage. Mais aussi, il y a toujours autour une place ouverte et verdoyante ou avec des symboles du pays : bambous endémiques, œuvres d’art… Que ça fait du bien de voir tant d’intelligence de politique publique qui va dans le sens de la vie commune et de la mise en avant du savoir et de la connaissance.

Aujourd’hui, Medellin est accueillante, remplie de culture et de joie. Il y a toujours des problèmes de drogue mais pas plus qu’en France et moins qu’aux Etats-Unis. Il y a une stabilité monétaire, plus de 45 % du PIB est généré grâce à l’industrie et il y a des universités partout et sur tout (on a même vue une école de gastronomie) et les nouvelles technologies sont mises en avant.

Alors, oui la Colombie produit toujours de la cocaïne (80% de la production mondiale), les conditions sont idéales et la jungle reste un excellent endroit pour se cacher. Ce qui a changé, c’est que les trafiquants ont abandonné la partie transport et distribution, les deux phases les plus dangereuses (et lucratives). Maintenant, ca se passe au Mexique où la violence a déménagé. Maintenant, ce sont eux qui gère la distribution principalement vers les Etats-Unis et l’Europe.

L’avenir nous dira si leur politique a fonctionné, ce qui est certain, c’est que ce sont bien des décisions politiques qui peuvent changer le cours de l’histoire d’un pays, c’est fou.

On va ensuite dans le quartier des commerces avec l’ancien palais de justice qui a été (vendu) transformé en centre commercial et galerie d’art. C’est toujours aussi magnifique, on va revenir. Peut-être pour faire des achats pour la rentrée des gars, ils ont tellement grandi tous les deux, ils en ont bien besoin. J’espère qu’on ne va pas craquer pour une œuvre d’art.

Ces tableaux m’ont fait penser aux tableaux de Michèle et Jean.
Le tableau préféré de Nael

On va ensuite sur la place Botero et ses statues (qu’on a déjà fait deux fois). C’est un endroit où la prostitution est très présente et visible. En Colombie, la prostitution est légale et ça se passe principalement autour des églises. Selon Natalia, c’est pratique (elle est ironique) car tu peux aller négocier un tarif par cher, avoir le temps de te rendre au dernier étage d’un hôtel miteux où les tarifs sont à la minute et être à l’heure pour la messe et expier tous tes péchés. Sans commentaire.

On va ensuite vers un quartier qu’on connaît et qu’on n’aime pas trop car on sent que ce n’est pas très secure.

Natalia nous dit de tout ranger, que si on a quelque chose dans les poches de mettre les mains dans les poches et demande de faire attention à nos sacs. On entend au même moment des cris  » Cógelo ! Cógelo !  » (Attrapez-le !). Il vient d’y avoir un vol et tout le monde crie pour attraper le voleur et le ramener manu militari au commissariat tout proche. Ce semble être le cas car bientôt, ça se calme et personne n’est étonné.

On continue à visiter et on passe à côté de la deuxième plus vieille église de Medellin, on fait le tour.

Natalia nous alerte, comme d’habitude ici, c’est proche des églises qu’on trouve les trucs les plus défendus par la religion. On y vend des produit illégaux et de la pornographie. Ici on appelle cette rue « porn street ». Ça touche même l’église. C’est bizarre ce mix sex et religion, à n’y rien comprendre ?

On va ensuite sur une place assez vide où il y a des statues de Botero aussi. C’est le parc San Antonio. On découvre une statue de l’oiseau de Botero qu’on adore (la préférée de Magali) mais il est éventré. Une bombe a éclaté à côté, un sac à dos piégé déposé là, tuant plus de 30 personnes dont principalement des jeunes et un certain nombre d’enfants. Narcos et groupes armés, tous revendiqué l’attentat. Comment peut-on revendiquer un attentat qui tue des civils lors d’un concert gratuit ? Difficile de comprendre cette période, c’était en 1995, il y a 28 ans, j’avais 17 ans.

On finit le tour en remontant à la station de métro San Antonio (c’est la grosse station, un peu le Châtelet–Les Halles local), Natalia nous parle d’un restaurant pas très loin appelé l’Hacienda, c’est une chaine mais celui-ci semble vraiment bien. On y va et on découvre un quartier très sympa, assez moderne. Le restaurant est en hauteur, c’est très agréable et très bon. C’est typique de la cuisine locale.

Fresque représentant les afro-descendants de Colombie et une statue de Botero au milieu

L’éducation comme lueur d’espoir

La folie…

…et l’espoir d’un renouveau.

Dans un souci de « tout effacer pour tout oublier », les autorités ont voulu retirer l’oiseau « blessé ». C’est Botero lui-même qui a refusé et offert un autre oiseau, en signe d’espoir.

Notre groupe de « gringos »

Ensuite, on décide de se balader dans le quartier.

Il y a un espace artisanal. Je pense que d’artisanal, il n’y a que le nom mais c’est sympa. On tombe aussi sur un magasin à touristes et ils ont des sacs à main typiques pour les hommes. On voit souvent des hommes avec des sacs assez larges et en cuir qui m’intéressent beaucoup.

On continue notre balade, on remarque qu’on est à côté du quartier des drogués dont on nous a parlé. Il y a des personnes mal en point par terre. On nous déconseille de passer par là même s’il n’y a pas de vraiment de risque mais bon, c’est pas ouf comme ambiance.

On remonte dans la rue touristique, on prend le métro et on s’arrête à… Decathlon. Pour prendre quelques affaires à Sasha qui n’a plus de short ni de t-shirts de sport à sa taille. On trouve ce dont il a besoin. On passe bien sûr au magasin Lego qui est en face juste pour regarder et on remonte à l’appartement en Uber. J’avais prévu de faire des courses pour l’anniversaire de Magali mais j’irai semaine prochaine.

On arrive à l’appartement, on commande un Rappy avec des spécialités colombiennes. Les gars veulent regarder le film « BDE » de Michael Youn. On n’est pas très chauds Magali et moi, mais Magali veut avancer sur le blog et ne regardera pas de toute façon donc on lance le film.

Je pense qu’il fait partie des pires films que j’ai pu voir. Quand on passe une journée où l’on parle de bouleversement de vies, de l’impact de la bêtise humaine à cause de la recherche du pouvoir ou de l’argent, de la drogue et finir avec un film où l’on met en avant que ce soit fun de prendre tous types de drogues, de valoriser le mensonge, l’irresponsabilité… autant dire que je n’ai pas cessé de râler durant le film (même s’il y a eu des moments drôles). C’est bien l’un des plus grands navets qui dégrade l’image des jeunes. Bon après ça dodo.