Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec Juana pour une visite guidée de Medellin. Juana est Colombienne, de Medellin, et parle parfaitement français car elle a passé plusieurs années en France pour ses études. Nous nous retrouvons à la station de métro Poblado.
Dans la station, comme dans toutes les stations de la ville, il y a un tableau de la vierge Marie. Juana nous explique que lorsque le métro a été construit, la Colombie était en pleine guerre civile et que c’était un endroit facile pour faire un attentat.
Pour protéger le métro, l’idée a donc été de mettre une vierge dans chaque station, elle est respectée et doublement car elle représente aussi la mère de tous, et la mère en Colombie, ce n’est pas rien. D’ailleurs, la fête des mères est très importante en Colombie alors que la fête des pères, bon… Bref, mettre un bombe dans une station ok mais abimer une représentation de la vierge, ça non.
Et il n’y a jamais eu d’attentat dans le métro à Medellin.
Puis on reprend le métro direction le centre ville et le salon Malaga, classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. C’est à dire que ce ne sont pas les murs qui sont importants mais ce qu’il se passe, un peu comme le marché de Marrakech.
C’est un lieu de rencontre et d’échanges où l’on vient boire un verre, écouter de la musique ou danser le tango.
Pendant qu’on boit un café, Juana nous explique la géographie de la Colombie et nous donne déjà des idées d’endroits à visiter et de treks à faire dans la jungle.
On continue notre balade jusqu’à l’ancienne gare de Medellin.
Le transport ferroviaire a été presque complètement arrêté en Colombie car les trains étaient des cibles trop faciles pendant la guerre civile et remplacés progressivement par le transport routier. Aujourd’hui, le réseau colombien de chemins de fer est en grande partie inutilisé et les rails démontées ou envahies par les mauvaises herbes.
On passe aussi par la cité administrative, l’endroit où, comme en France, tu viens pour faire la queue. Sauf qu’en Colombie, ils ont des gens qui peuvent faire la queue à ta place contre un pourboire !
Sur le parterre central, le « Monumento a la Raza », une énorme sculpture de béton et de bronze de 38 mètres de haut symbolisant la culture de la région d’Antioquia.
(Cherche et trouve) Parmi les personnages, il y a Jésus et sa couronne d’épines.
Puis on traverse la rue pour arriver au parc des lumières.
Autrefois, c’était l’un de endroits les plus dangereux du centre de Medellin. Quand le train a arrêté de fonctionner, les commerces traditionnels ont laissé place à des trafics en tout genre (drogue, humain…) et les hôtels de voyageurs se sont transformé en hôtels de passe.
Aujourd’hui, Medellin mise tout sur l’architecture et l’éducation comme outils de transformation sociale. La place a été complètement transformée avec des dizaines de lumières qui pointent vers le ciel, on a construit une bibliothèque et récupéré les bâtiments des hôtels de passe pour héberger les centres culturels. Et ça a fonctionné, petit à petit, les habitants sont revenus sur cet espace public où auparavant, ils n’osaient plus mettre les pieds.
Des bibliothèques, il y en a maintenant une par comuna (l’équivalent d’un arrondissement à Paris) et on peut y emprunter des livres mais aussi… des gens ! C’est à dire que tu peux « réserver » des personnes pour discuter ou poser des questions, c’est classé par thème. Imagine pouvoir « réserver » un poilu (s’il en restait) pour lui poser des questions sur la guerre ou un chef pour partager des astuces cuisine.
C’est grâce à ses idées novatrices que Medellin est passé en 15 ans de la ville la plus dangereuse de Colombie (la Colombie étant alors le pays le plus dangereux du monde) à ville la plus innovante. La ville est résolument tournée vers le futur (quitte à détruire quelques vestiges historiques au passage).
Ici « On ne regarde pas derrière, même pas pour prendre de l’élan ».
On continue à marcher à travers les rues animées du centre ville, entre les vendeurs de vêtements et de chaussures.
Juana nous dit que c’est un super endroit pour acheter des jeans. C’est ici que sont produits les jeans Levi’s et avant que les Etats-Unis ne rajoutent l’étiquette, ils sont deux fois moins chers. D’ailleurs, il suffit de regarder autour de nous pour se rendre compte qu’ici on adore les jeans, tout le monde en porte malgré les 28°C d’aujourd’hui.
Puis on arrive devant l’ancien palais de justice reconverti en… centre commercial. Sans ça, il aurait sans doute été détruit nous dit Juana.
Le faste du lieu contraste avec ce qui y est vendu : des vêtements de sport, des baskets, dont pas mal de contrefaçons.
On prend l’ascenseur pour monter au dernier étage.
De la haut, on voit Medellin et ses gratte-ciels. L’un deux appartient à une société de textile et la forme rappelle celle d’une aiguille à coudre industrielle.
(Cherche et trouve) Le bâtiment en forme d’aiguille et son chas pour passer le fil.
(Cherche et trouve) L’oeuvre d’art parmi les bâtiments
(Cherche et trouve) Le bâtiment en forme d’aiguille et son chas pour passer le fil.
Plus on est haut dans les étages, moins il y a de passage et moins les loyers sont chers.
Ici, au dernier étage, on trouve des galeries d’art. Il y en a pour tous les goûts.
Puis on repart vers le métro.
Il y a une immense fresque, vestige des murs d’une ancienne banque située là, et qui raconte l’histoire de la Colombie. Les explications de Juana nous aide à mieux comprendre.
Plus loin, sur la place centrale, non pas une statue de Bolivar comme presque sur toutes les places colombiennes mais celle d’un ancien gouverneur de la région qui montre que Medellin n’est pas une ville coloniale mais bien une ville industrielle récente.
Puis on prend le métro pour rejoindre le téléphérique.
On se croirait au ski quand on embarque dans le téléphérique.
Ici, c’est un moyen de transport à part entière, les lignes de téléphériques sont sur les plans de métro. Avec le dénivelé, c’est la solution idéale dans les nombreux endroits où le métro et le tramway ne peuvent pas passer.
De là-haut, on peut vraiment voir tout Medellin, ses maisons de briques en fouillis qui dégoulinent des collines au milieu de la végétation.
Puis on se dépêche de rejoindre la comuna 13 où une famille nous attend pour déjeuner.
On prend un petit bus qui grimpe en haut de la colline puis on se faufile au milieu des maisons colorées jusqu’à chez nos hôtes.
On arrive chez nos hôtes, un couple de soixantenaires, qui nous accueillent à bras ouverts et avec des grands sourires.
C’est une famille qui a toujours vécu ici dans la comuna 13 et qui est témoin de toute l’histoire de ce quartier. La comuna 13 a longtemps été le territoire des Farcs et des narco-trafiquants. Les gens qui vivaient là avaient honte de dire qu’ils étaient de la comuna 13. C’était le quartier le plus dangereux de Medellin (donc du monde).
Maintenant, même si tout n’est pas encore réglé, ça a bien changé notamment grâce aux nombreuses associations qui promeuvent l’art de rue et permettent aux jeunes d’exprimer leur talent et ainsi de maintenir la cohésion sociale.
On s’installe donc à leur table devant la télévision qui diffuse un match de foot, ça fait un peu bizarre d’entrer comme ça dans l’intimité de cette famille. Ils nous ont préparé un super repas colombien avec de la soupe de légume, un plat avec un peu de tout : patacones (galettes de banane plantain verte), beignets de mais, viande grillée, salade, tomate, riz… Et en dessert de la mazamorra (une sorte de riz au lait avec du maïs) dans laquelle on immerge des mini-sandwiches sucrés de pâte de fruits et d’arequipe (une sorte de dulce de leche colombien).
Ils s’installent avec nous et sont contents de voir que les garçons mangent bien. Je leur demande s’ils ont des enfants, ils me disent oui 6. Je leur demande comment ils s’appellent et ils me donnent quatre prénoms. J’attends la suite mais Juana me dit en français que deux d’entre eux sont morts. Je suis un peu sous le choc et même si j’aimerais en savoir plus sur leur histoire, j’arrête de poser des questions pour ne pas raviver la douleur. Du coup, comme il y a le match à la télé, je me mets à parler de foot, alors que je n’y connais rien. Le monsieur nous sort sa collection complète de tshirts de foot et les montre aux garçons (qui ne s’y connaissent pas non plus en foot…).
Au moment de partir, la pluie se met à tomber, c’est le déluge. Notre hôte met deux cuillères croisées devant la maison pour faire partir la pluie et quelques minutes après, c’est terminé. On dit merci à nos hôtes puis on reprend la route pour visiter la comuna 13.
Les murs de la comuna 13 sont recouverts de fresques qui racontent l’histoire du quartier. C’est un véritable musée à ciel ouvert avec des oeuvres éphémères qui restent en moyenne 4 ans avant d’être remplacées par d’autres. Dans la rue, il y a des spectacles de danse, d’impro…
A la base la comuna 13, c’est une favela construite dans l’anarchie la plus totale, n’apparaissant même pas sur les plans de la ville, rongée par la pauvreté et la violence. On y retrouve des paysans réfugiés dont les terres ont été volées par des groupes armés, des groupes armées et des narcotrafiquants qui y voient une excellente position stratégique pour leurs affaires et un labyrinthe parfait pour se cacher. Dans les années 90, Medellin c’est 7000 meurtres par an et le pire quartier, c’est la comuna 13.
En 2002, le gouvernement lance l’opération Orion. Pendant 3 jours, avec l’aide des paramilitaires, l’armée « nettoie » la comuna 13 mais au prix de 300 « disparus », probablement civils innocents, qu’on sait maintenant enterrés sur la colline en face.
Après quelques années, la situation se stabilise dans le quartier, les premiers artistes commencent à peindre des fresques et quelques touristes commencent à s’aventurer dans le quartier pour les admirer. De nombreuses associations voient le jour autour du street art et le quartier, difficilement accessible, est désenclavé grâce au téléphérique et à l’installation d’un escalator géant pour monter les 385 mètres de côte. Aujourd’hui, c’est l’un des quartiers incontournables à visiter à Medellin. Il est devenu le symbole de la transformation de la ville.
Cette aire de jeu a été construite en l’hommage d’un petit garçon de 10 ans tué par une balle perdue dans le quartier. Au lieu d’une stèle, les habitants ont préféré que l’on célèbre l’enfance et la vie.
Pause (excellent) café
Ecrivains publics (peuvent aussi écrire des lettres d’amour)
Opération Orion. Nunca màs.
Glace Mango Biche : mangue verte, jus de citron et… sel !
In-Cro-Yable cette visite, mille merci pour toutes ces infos et toutes vos photos, c’est vraiment ultra intéressant !! L’Art comme facteur de changement sociétal, bon sang, que c’est bon de voir ça !
Merci ! Contents de vous avoir emmenés un peu avec nous dans la comuna 13. 🙂
B0njour 4
Très interressant reportage,un quartier qui mérite le détour,treS surprenante cette ville
Gros bisous de CRETE
Merci ! Profitez bien de vos vacances en Crète ! 🇬🇷
Bisous